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gardé qu’il pâlit, chancela et tomba sur le canapé.

Le général seul s’aperçut de ce saisissement.

« Quoi ! qu’est-ce, mon ami ?… Romane, mon ami, réponds… Je t’en supplie… Qu’as-tu ?»

Romane

C’est mon manteau que j’ai vendu en passant ici, prisonnier, enchaîné, forçat. Les froids étaient passés ; je l’ai vendu à un juif, ajouta à voix basse Romane encore tremblant d’émotion à ce nouveau souvenir de son passage.

Le général

Remets-toi ; courage, mon ami… Si on te voyait ainsi ému, la curiosité serait excitée. »

Romane serra la main de son ami, qui l’aida à se relever. En prenant le manteau, il faillit le laisser échapper. Craignant d’avoir été vu par les enfants, qui jouaient au bout du salon, il leva les yeux et rencontra le regard inquiet et triste de Natasha, qui l’examinait depuis longtemps. La pâleur de Romane devint livide. Natasha s’approcha de lui, prit et serra sa main glacée.

« Mon cher monsieur Jackson, dit-elle à voix basse, vous êtes inquiet ? Vous craignez que je ne parle, que je n’interroge ? Vous avez un secret pénible ; je le devine, enfin ; mais, soyez sans inquiétude, jamais je ne laisserai échapper un mot qui puisse vous compromettre.

— Chère enfant, vous avez toute ma reconnaissante amitié et toute mon estime », répondit de même Romane.