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devant le feltyègre de la fatigue de la dernière nuit. Romane ferait des représentations sur les inconvénients bien plus grands d’un voyage trop précipité ; le général trancherait la question en disant que la santé de sa nièce passait avant tout, et, pour mettre le feltyègre dans ses intérêts, il lui dirait que, vu la fatigue plus grande qu’il aurait à supporter, il lui payerait les nuits comme doubles journées.

Tout se passa le mieux du monde ; la discussion commença à déjeuner ; le général fit semblant de se fâcher ; Romane dit qu’il n’avait qu’à obéir ; le feltyègre fut content de ce nouvel arrangement qui rendait ses nuits plus profitables que ses journées. Natasha et les enfants furent enchantés de voyager de nuit ; les Dérigny partagèrent leur satisfaction, parce qu’ils arriveraient plus tôt au bout de leur voyage et parce que le général avait trouvé moyen d’expliquer à Dérigny pourquoi il se pressait tant. Au relais du soir, on dîna, chacun s’arrangea pour passer la nuit le plus commodément possible. Romane était monté dans la berline de ses élèves, cédant sa place à Mme Dérigny. On fit aux femmes et aux enfants une distribution d’oreillers. Natasha reprit sa place dans la berline de sa mère et de son oncle, et commença avec ce dernier une conversation aussi gaie qu’animée pour lui faire accepter son oreiller, qui la gênait, disait-elle, horriblement.

« Si vous persistez à me refuser, grand-père, je ne vous appellerai plus que mon oncle et je donnerai mon oreiller au feltyègre. »