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Natasha remercia, sauta à bas de la berline, courut à l’autre ; avant de monter, elle tendit la main à M. Jackson.

« Soignez bien maman, dit-elle ; et si vous la voyez triste, venez vite me chercher : je la console toujours quand elle a du chagrin. »

Les portières se refermèrent, et les voitures se remirent en marche. Natasha essaya de s’asseoir sans écraser personne ; mais, de quelque côté qu’elle se retournât, elle entendit un : Aïe ! qui la faisait changer de place.

« Puisque c’est ainsi, dit-elle, je vais m’asseoir par terre. »

Et, avant qu’on eût pu l’arrêter, elle s’établit par terre, écrasant les pieds et les genoux. Les cris redoublèrent de plus belle : Natasha riait, cherchait vainement à se relever ; les quatre garçons la tiraient tant qu’ils pouvaient ; mais, comme tous riaient, ils perdaient de leur force ; et, comme Natasha riait encore plus fort, elle ne s’aidait pas du tout. Enfin, Mme Dérigny lui venant en aide, elle se trouva à genoux ; c’était déjà un progrès. Alexandre et Jacques parvinrent à se placer sur le devant de la voiture ; alors Natasha put se mettre au fond avec Mme Dérigny, et Paul entre elles deux. On ne fut pas longtemps sans éprouver les tortures de la faim ; Dérigny leur passa une foule de bonnes choses, qu’ils mangèrent comme des affamés ; leur gaieté dura jusqu’à la fin de la journée. On s’était arrêté deux fois pour manger. Dans le village où on