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pas pour moi. Je serai bien, très bien. Dérigny couchera près de moi sur l’autre canapé, et vous, vous vous établirez, avec les enfants, dans la chambre à côté. Voici le dîner servi ; à la guerre comme à la guerre ! Mangeons ce qu’on nous sert. Dérigny, envoyez-moi mon courrier. »

Dérigny ne tarda pas à ramener Stépane, qui courait en avant en téléga (voiture) pour faire tenir prêts les chevaux et les repas. Le général lui donna ses ordres en russe et lui recommanda de bien soigner Dérigny, sa femme et ses enfants, et de deviner leurs désirs.

« S’ils manquent de quelque chose par ta faute, lui dit le général, je te ferai donner cinquante coups de bâton en arrivant à Gromiline. Va-t’en.

— Oui, Votre Excellence », répondit le courrier.

Il s’empressa d’exécuter les ordres du général, et avec toute l’intelligence russe il organisa si bien le repas et le coucher des Dérigny, qu’ils se trouvèrent mieux pourvus que leur maître.

Le général fut content du dîner mesquin, satisfait du coucher dur et étroit. Il se coucha tout habillé et dormit d’un somme depuis neuf heures jusqu’à six heures du lendemain. Dérigny était comme toujours le premier levé et prêt à faire son service. Le général déjeuna avec du thé, une terrine de crème, six kalatch, espèce de pain-gâteau que mangent les paysans, et demanda à Dérigny si sa femme et ses enfants étaient levés.