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tendait à une explosion terrible, lorsque Paul, qui le regardait avec inquiétude, lui dit en joignant les mains :

« Monsieur le général, je vous en prie, ne soyez pas rouge, ne mettez pas de flammes dans vos yeux : ça fait si peur ! C’est que c’est très dangereux, un homme en colère : il crie, il bat, il jure. Vous vous rappelez quand vous avez tant battu Torchonnet ? Après, vous étiez bien honteux. Voulez-vous qu’on vous donne quelque chose pour vous amuser ? Une tranche de jambon, ou un pâté, ou du malaga ? Papa en a plein les poches du siège. »

À mesure que Paul parlait, le général redevenait calme ; il finit par sourire et même par rire de bon cœur. Il prit Paul, l’embrassa, lui passa amicalement la main sur la tête. « Pauvre petit ! c’est qu’il a raison. Oui, mon ami, tu dis vrai ; je ne veux plus me mettre en colère : c’est trop vilain.

— Que je suis content ! s’écria Paul. Est-ce pour tout de bon ce que vous dites ? Il ne faudra donc plus avoir peur de vous ! On pourra rire, causer, remuer les jambes ?

Le général

Oui, mon garçon ; mais quand tu m’ennuieras trop, tu iras sur le siège avec ton papa.

Paul

Merci, général ; c’est très bon à vous de dire cela. Je n’ai plus peur du tout.