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nanon.

J’aurai soin de Caroline : sois tranquille…

gribouille.

Vous l’empêcherez de pleurer ?

nanon.

Ah ! je crois bien ! Je voudrais bien voir qu’elle pleurât, après tout ce que tu lui as dit ! »

Gribouille, entièrement rassuré par les paroles et l’air décidé de Nanon, et par le calme momentané de sa sœur, l’embrassa à plusieurs reprises et retourna dans sa chambrette. Il pria le bon Dieu de rendre sa mère bien heureuse.

« Et moi aussi, mon bon Dieu, ajouta-t-il, rendez-moi bien heureux, et Caroline aussi ; et M. le curé, qui est si bon. Comme ça nous serons tous heureux et Caroline ne pleurera plus. »

Il se recoucha et se rendormit paisiblement.

Quand il se réveilla le lendemain, et qu’il alla chercher Caroline, il trouva la chambre pleine de monde ; le bruit de la mort de la femme Thibaut s’était répandu ; les voisines étaient accourues, les unes par compassion, les autres par curiosité, peu par charité. Caroline avait passé la nuit en prières près de sa mère, que Nanon avait ensevelie dans un linceul bien blanc ; Caroline, pâle, défaite, triste et abattue, recevait avec reconnaissance, mais sans y répondre, les témoignages de sympathie vraie ou fausse qu’elle recevait des voisines ; les unes parlaient avec volubilité ; les autres donnaient de ces consolations qui choquent et qui irritent.