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« Ma chère enfant, vous ne pouvez rester seule avec le corps inanimé de votre mère ; je vais rentrer chez moi et vous envoyer la vieille Nanon, qui a l’habitude d’ensevelir et de veiller les morts. Je reviendrai vous voir demain de bonne heure et je me charge de tout ce qui a rapport aux funérailles. Ne vous inquiétez de rien ; priez pour elle, priez pour vous ; confiez-vous en la bonté de votre Père tout-puissant. Adieu, mon enfant, au revoir, et que la bénédiction de Dieu repose sur vous et sur votre maison ! »

Le curé donna une dernière bénédiction à la mère et à la fille, et sortit. Lorsque Caroline se trouva seule, elle ne chercha plus à se contraindre, et, malgré sa résignation à la volonté de Dieu, elle se laissa aller à toute la violence de sa douleur. Ses gémissements et ses sanglots éveillèrent Gribouille, quoiqu’elle eût eu la précaution de fermer la porte.

En entendant pleurer sa sœur, il se leva, passa à la hâte ses vêtements, entr’ouvrit doucement la porte et aperçut Caroline affaissée sur ses genoux, le visage baigné de larmes, les yeux levés vers le crucifix, les mains jointes retombées sur ses genoux.

« Caroline ! » dit-il d’un air de reproche.

Caroline essuya ses yeux à la hâte, mais ne se releva pas.

« Caroline ! tu m’as trompé ! Je dormais parce que j’ai cru à ta parole… Caroline ! tu as du chagrin ! Pourquoi pleures-tu ? »