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je me sens tout autre que d’habitude ; j’ai envie de dire adieu à tous ceux que j’aime, à M. Delmis, à M. le curé, jusqu’à Nanon, que j’aurais volontiers embrassée. La seule chose qui me console, c’est d’être avec vous, brigadier, ajouta-t-il en se rapprochant de lui et lui serrant affectueusement la main.

le brigadier.

Tout ça n’est rien, mon ami ; c’est parce que tu n’es pas habitué à être séparé de ta sœur. Du courage ! Je dirai comme M. le curé : tu vas bientôt être un homme ; il ne faut pas te laisser aller comme un enfant.

gribouille.

Je tâcherai,… j’y ferai ce que je pourrai,… mais je ne peux pas. C’est comme un plomb que j’ai sur le cœur. »

Le brigadier lui passa amicalement la main sur la tête ; Gribouille lui donna le bras et ils marchèrent en silence. La nuit était venue tout à fait noire, orageuse ; le tonnerre grondait dans le lointain ; le vent commençait à secouer la cime des arbres ; l’air était lourd, la chaleur accablante. Sans s’en apercevoir, le brigadier avait de beaucoup dépassé la prison et se dirigeait machinalement vers la maison de Caroline et de Gribouille. Se voyant si près du but, et l’obscurité redoublée par l’orage qui se préparait lui facilitant l’entrée de la maison sans être vu, il continua à avancer, et ils ne tardèrent pas à arriver à la porte, dont