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une goutte d’eau-de-vie pour me remettre ; vrai, je suis trop en colère.

le curé.

Buvez, buvez, ma vieille Nanon. Est-ce que vous avez besoin de me demander la permission pour prendre n’importe quoi ? Tout ce que j’ai est à vous comme à moi. Nous sommes de vieux amis ; voici bientôt vingt ans que nous sommes ensemble, que vous me soignez, que vous vous fatiguez à mon service, que vous bataillez pour moi plus que vous ne feriez pour vous-même, que vous m’aimez, enfin, car ce mot résume tout quand il est joint à l’amour de Dieu.

nanon.

Pour ça oui, que je vous aime et que je vous respecte, et que je vous vénère comme un saint, et que je donnerais pour vous ma vie avec toutes sortes de tortures, comme faisaient les anciens martyrs. »

Et la voix de Nanon, d’abord émue, puis tremblotante, finit par être entrecoupée de sanglots.

« Partons, dit le curé, qui voulut arrêter l’explosion attendrie de Nanon. Pélagie, je vous confie Caroline. À demain, mes enfants.

caroline.

Monsieur le curé, recommandez bien mon frère aux soins du brigadier ; je sais qu’il fera de son mieux, mais vous savez que Gribouille demande une surveillance toute particulière. Priez-le de ne pas le quitter jusqu’à mon retour.