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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

l’étranger, et je veux rester près de vous pour vous venir en aide.

MOUTIER.

Au lieu de m’aider, tu me gênerais, mon garçon. Va-t’en, je le veux… Entends-tu ? je te l’ordonne. »

Ces derniers mots furent dits à voix basse comme le reste, mais d’un ton qui ne permettait pas de réplique ; Jacques lui baisa la main et partit. À peine était-il assez éloigné pour qu’on n’entendît plus ses pas, au moment où Moutier allait quitter le hangar sombre qui l’abritait, la porte de l’auberge s’ouvrit encore une fois ; l’aubergiste Bournier sortit à pas de loup, écouta, et, se retournant, dit à voix basse :

« Personne ! pas de bruit ! Dépêchons-nous ; la lune va se lever, et notre affaire serait manquée. »

Il rentra, laissant la porte ouverte ; Moutier s’y glissa après lui, le suivit, et s’arrêta en face d’une chambre dans laquelle entra l’aubergiste. Une faible lumière éclairait cette pièce ; un homme était étendu par terre, garrotté et bâillonné. Le frère et la femme de Bournier le soulevèrent par les épaules, l’aubergiste prit les jambes, et tous trois s’apprêtaient à se mettre en marche, quand Moutier bondit sur eux, et cassa la cuisse de l’aubergiste d’un coup de pistolet, brisa le crâne du frère avec la poignée de ce pistolet, et renversa la femme d’un coup de poing sur la tête. Tous trois tombèrent ; l’aubergiste seul poussa un cri en tombant. Moutier le roula dans un coin, sans avoir égard à ses hurlements, coupa avec son poignard les cordes qui attachaient le malheureux étranger, arracha le mouchoir qui l’étouffait, garrotta l’aubergiste, courut dans la salle d’entrée, ouvrit la porte qui donnait sur la rue et tira un coup de pistolet en l’air en criant :