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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

gauche, qui est resté un peu roide ; et une à travers le corps, qui a failli m’emporter et qui m’a fait réformer. Aussitôt guéri, aussitôt parti, avec l’idée de faire une reconnaissance du côté de l’Ange-Gardien. C’est que je n’avais oublié personne ici, ni les pauvres enfants, ni les bonnes et chères hôtesses. J’étais sûr de trouver un bon accueil ; j’ai pensé que je pouvais bien venir pour quelques jours me remettre au service de mademoiselle Elfy, qui sait si bien commander. »

Moutier sourit en disant ces mots, madame Blidot rit bien franchement. Elfy rougit.

ELFY.

Comment, monsieur Moutier ! Vous n’avez pas oublié mes niaiseries d’il y a trois ans ? Je suis moins folle que je ne l’étais, et je ne me permettrais pas de vous commander comme je l’ai fait alors, quand je n’avais que dix-sept ans.

MOUTIER.

Tant pis, Mamzelle ; il faudra que je devine, et je pourrai faire des sottises croyant bien faire. Quant à oublier, je n’ai rien oublié de ce qui regarde le peu de jours que j’ai passés chez vous en trois temps, pas un mot, pas un geste ; tout est resté gravé là, ajouta-t-il en montrant son cœur. Et toi, mon pauvre petit Jacques, tu m’as eu bientôt reconnu ; tu n’as pas hésité une minute.

JACQUES.

Comment ne vous aurais-je pas reconnu ? J’ai toujours pensé à vous ; je vous ai embrassé tous les jours dans mon cœur, et j’ai toujours prié pour vous ; car M. le curé m’a appris à prier, et moi je l’ai appris à Paul.

MOUTIER.

Et moi aussi, mon garçon, j’ai appris à prier comme