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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.
MOUTIER.

Comment donc, Mamzelle ? Mais c’est la pure vérité. Ne suis-je pas à votre service, tout à votre service ?

ELFY.

Vous m’impatientez avec vos rires et vos jeux de mots.

MOUTIER.

Il n’y a pourtant pas de quoi, mamzelle Elfy. Je ris parce que je suis content. Cela ne m’arrive pas souvent, allez. Un pauvre soldat loin de son pays, sans père ni mère, qui n’a aucun lien de cœur dans ce monde, peut bien s’oublier un instant et se sentir heureux d’inspirer quelque intérêt et d’être traité avec amitié. J’ai eu tort peut-être ; j’ai fait sans y penser une mauvaise plaisanterie ; veuillez m’excuser, Mamzelle. Pensez que je pars tantôt et pour longtemps sans doute ; il ne faut pas trop m’en vouloir.

ELFY.

C’est moi qui ai tort de vous quereller pour une niaiserie, mon bon monsieur Moutier ; et c’est à moi de vous faire des excuses. C’est que, voyez-vous, c’était si ridicule de penser que ma sœur et moi nous vous avions pris à notre service que j’ai eu peur qu’on ne se moquât de nous.

MOUTIER.

Et vous avez un peu raison, Mamzelle ; voulez-vous que je retourne chez la fermière, lui dire…

MADAME BLIDOT.

Mais non, Monsieur ; tout cela n’est qu’un enfantillage d’Elfy. Elle est jeune, voyez-vous ; un peu trop gaie, à mon avis, et elle a abusé de votre complaisance.

MOUTIER.

C’est ce que je n’admets pas, madame Blidot ; et