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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

Moutier riait de la naïveté des enfants. Ils ne tardèrent pas à arriver au charbonnier ; Moutier vida le sac, le ploya et le mit dans un coin. Il s’apprêtait à partir, quand l’enfant le rappela timidement.

« Monsieur, seriez-vous assez bon pour prier la sainte Vierge de m’envoyer à manger ? On m’en donne si peu que j’ai mal là (montrant son estomac) et que je n’ai pas de forces.

— Pauvre malheureux !… répondit Moutier attendri. Écoute : viens à l’Ange-Gardien, je te recommanderai à madame Blidot, bonne femme s’il en fut jamais.

TORCHONNET.

Oh ! Monsieur, je ne pourrai pas ! Mon maître me tuerait si j’y allais. Il la hait au possible.

MOUTIER.

Alors je t’apporterai quelque chose que je demanderai à madame Blidot ; et puis, mon bon petit Jacques t’apportera à manger tous les jours. Veux-tu, mon Jacquot ?

JACQUES.

Oh ! oui, monsieur Moutier. Je garderai tous les jours quelque chose de mon déjeuner pour lui. Mais comment faire pour le lui donner ? J’ai peur de son maître.

TORCHONNET.

Vous pouvez le placer dans le creux de l’arbre, près du puits, j’y vais tous les jours puiser de l’eau.

MOUTIER.

C’est bien, c’est entendu. Dans un quart d’heure tu auras ton affaire. Jacquot le portera au puits. Partons, maintenant, pour qu’on ne nous surprenne pas ; c’est ça qui ferait une affaire à ce pauvre Torchonnet ! »