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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

ses gros sourcils ; puis, le voyant approcher, il pensa qu’il revenait lui demander à dîner et il prit son air le plus gracieux.

« Entrez, Monsieur ; donnez-vous la peine d’entrer ; je suis tout à votre service. »

Moutier toucha son képi, entra et eut quelque peine à calmer Capitaine, qui tournait autour de l’aubergiste en le flairant, en grognant et en laissant voir des dents aiguës prêtes à mordre et à déchirer.

« Ah ! ah ! se dit Moutier, Capitaine n’y met pas beaucoup de douceur ni de politesse : il y a quelque chose là-dessous ; l’homme est mauvais, mon chien a du flair. »

L’aubergiste, inquiet de l’attitude de Capitaine, tournait, changeait de place et lui lançait des regards furieux, auxquels Capitaine répondait par un redoublement de grognements.

Moutier parvint pourtant à le faire taire et à le faire coucher près de sa chaise ; il fixa sur l’aubergiste des yeux perçants et lui demanda sans autre préambule s’il connaissait madame Blidot.

« Pour ça non, répondit l’aubergiste d’un air dédaigneux ; je ne fais pas société avec des gens de cette espèce.

— Elle est donc de la mauvaise espèce ?

— Une femme de rien ; elle et sa sœur sont des pies-grièches dont on ne peut pas obtenir une parole ; des sottes qui se croient au-dessus de tous, qui ne vont jamais à la danse ni aux fêtes des environs ; des orgueilleuses qui restent chez elles ou qui vont se promener sur la route avec des airs de princesse. Il semblerait qu’on n’est pas digne de les aborder, elles crèveraient plutôt que de vous adresser une bonne pa-