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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

seil. Il faut croire que les renseignements ne furent pas mauvais, car Moutier revint un quart d’heure après, l’air calme et joyeux.

« Vous aurez les petits, mon excellente hôtesse, dit-il en souriant. Je vous les laisserai… demain ; vous voudrez bien me loger jusqu’à demain ? Pas vrai ?

L’HÔTESSE.

Tant que vous voudrez, mon cher monsieur ; c’est juste ; je comprends que vous vouliez vous donner un peu de temps pour savoir comment je suis et pour voir installer mes enfants… car je puis bien dire à présent mes enfants, n’est-ce pas ?

MOUTIER.

Ils restent bien un peu à moi aussi, sans reproche ; et je ne dis pas que je ne reviendrai pas les voir un jour ou l’autre.

L’HÔTESSE.

Quand vous voudrez ; j’aurai toujours un lit pour vous coucher et un bon dîner pour vous refaire. Et, à présent, je vais voir à mes enfants ; ne voilà-t-il pas les soins maternels qui commencent ? D’abord il me faut les coucher pas loin de moi et de ma sœur. Et puis, il leur faudra du linge, des vêtements, des chaussures.

MOUTIER.

C’est pourtant vrai ! Je n’y songeais pas. C’est moi qui suis honteux de vous causer ces embarras et cette dépense ; ça, voyez-vous, ma bonne hôtesse, inutile de m’en cacher ; je n’ai pas de quoi payer tout cela ; j’ai tout juste mes frais de route et une pièce de dix francs pour l’imprévu : un cigare, un raccommodage de souliers, une petite charité en passant, à plus pauvre que moi. Par exemple, je peux partager la pièce, et vous