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garnie et ornée de cristaux, de bronzes, de candélabres, etc.

Le général donna le bras à Elfy, qu’il plaça à sa droite ; à sa gauche, le curé ; près d’Elfy, son mari ; près du curé, le notaire. En face du général, madame Blidot ; à sa droite, Dérigny et ses enfants ; à sa gauche, le maire et l’adjoint. Puis les autres convives se placèrent à leur convenance.

« Potages bisque aux écrevisses ! potage à la tortue ! » annonça le maître d’hôtel.

Tout le monde voulut goûter des deux pour savoir lequel était le meilleur ; la question resta indécise. Le général goûta, approuva, et en redemanda deux fois. On se léchait les lèvres ; les gourmands regardaient avec des yeux de convoitise ce qui restait des potages inconnus et admirables.

« Turbot sauce crevette ! saumon sauce impériale ! filets de chevreuil sauce madère !

Le silence régnait parmi les convives ; chacun mangeait, savourait ; quelques vieux pleuraient d’attendrissement de la bonté du dîner et de la magnificence du général. Le citoyen qui connaissait si bien Paris et ses théâtres approuvait tout haut :

« Bon ! très bon ! bien cuit ! bonne sauce ! comme chez Véry. »

« Ailes de perdreaux aux truffes ! »

Mouvement général ; aucun des convives n’avait de sa vie goûté ni flairé une truffe ; aussi le maître d’hôtel s’estima-t-il fort heureux de pouvoir en fournir à toute la table ; le plat se dégarnissait à toute minute ; mais il y en avait toujours de rechange, grâce à la prévoyance du général, qui avait dit :

« Nous serons cinquante-deux ; comptez sur cent