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finie : il faut que vous m’aidiez à la compléter.

LE CURÉ.

Tout ce que vous voudrez, général, disposez de moi entièrement.

LE GÉNÉRAL.

Eh bien, mon ami, voilà l’affaire. J’aime beaucoup madame Blidot, et je vois avec peine que le mariage de sa sœur va changer sa position.

LE CURÉ.

Oh ! général, elles s’aiment tant, et Moutier est un homme si bon, si honorable, si religieux !

LE GÉNÉRAL.

Tout ça est vrai, mon ami, mais… madame Blidot ne va plus venir qu’en second ; c’est le jeune ménage qui a maintenant le plus gros lot dans la propriété de l’Ange-Gardien ; un homme dans une auberge est toujours plus maître que des femmes. Et puis viendront les enfants ; Jacques et Paul pourraient en souffrir, madame Blidot, qui les aime si tendrement, les protégera ; et puis viendra le désaccord, et, par suite, les chagrins pour cette pauvre femme isolée.

LE CURÉ.

C’est vrai, général ; mais qu’y faire, sinon attendre, espérer, et au besoin lui donner du courage ?

LE GÉNÉRAL.

Mon cher curé, voici mon idée à moi. Quand la guerre sera finie, ce qui va arriver un de ces jours, il faudra que je retourne en Russie ; j’emmènerai Dérigny. Attendez, vous ne savez pas ce que je vais vous dire… J’emmènerai ses enfants ; voilà déjà qu’ils restent avec leur père et qu’ils sont à l’abri de ce que je redoute pour eux. Pour prix du sacrifice que me fera