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Jacques et Paul la suivirent dans sa course, et furent bientôt hors de vue.

LE GÉNÉRAL.

Moutier, mon ami, courez après les fuyards, attrapez-les, ramenez-les-moi ! Je ne serai pas loin… Eh bien ! voilà tout le monde parti !… Les voilà qui courent tous comme des chevaux échappés… jusqu’au notaire !… Et ce pauvre Dérigny, que madame Blidot entraîne ! Il court, ma foi il court ! »

Le général, enchanté, se frottait les mains, allait et venait en sautillant, malgré ses grosses jambes, son gros ventre et ses larges épaules. De temps à autre, on voyait apparaître dans le pré, dans le bois, Elfy et les enfants ; Moutier l’avait rejointe en deux enjambées, et jouissait du bonheur d’Elfy avec toute la vivacité de son affection. Bientôt le bois et la prairie offrirent le spectacle le plus animé ; les jeunes couraient, criaient, riaient ; les gens sages se promenaient, admiraient et se réjouissaient du bonheur d’Elfy d’avoir rencontré dans sa vie un général Dourakine. Elfy et sa sœur étaient si généralement aimées, que leur heureuse chance ne donnait de jalousie à personne, et occasionnait, au contraire, une satisfaction générale.

Le curé seul était resté auprès du général.

« Vous devez être bien heureux, lui dit-il en souriant amicalement, de tout le bonheur que vous avez causé ; vous êtes véritablement une Providence pour ces excellentes sœurs, pour votre brave Moutier et pour toute notre commune. Jamais on n’y perdra votre souvenir, général, et, quant à moi, je prierai pour vous tous les jours de ma vie.

LE GÉNÉRAL.

Merci, mon bon curé. Mais notre tâche n’est pas