Page:Ségur - L’auberge de l’ange gardien.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

L’hôtesse aussi examinait avec attention les soins de Jacques pour son frère, et la belle et honnête physionomie de Moutier. Elle attendait avec impatience l’explication que lui avait promise ce dernier et lui servait les meilleurs morceaux, son meilleur cidre et sa plus vieille eau-de-vie.

Moutier mangeait encore ; les enfants avaient fini ; ils s’étaient renversés contre le dossier de leurs chaises et commençaient à bâiller.

« Allez jouer, mioches, leur dit Moutier.

— Où faut-il aller, monsieur Moutier ? demanda Jacques en sautant en bas de sa chaise et en aidant Paul à descendre de la sienne.

MOUTIER.

Ma foi, je n’en sais rien. Dites donc, ma bonne hôtesse, où allez-vous caser les petits pour qu’ils s’amusent sans rien déranger ?

— Par ici, au jardin, mes enfants, dit l’hôtesse en ouvrant une porte de derrière. Voici au bout de l’allée un baquet plein d’eau et un pot à côté, vous pourrez vous amuser à arroser les légumes et les fleurs.

JACQUES.

Puis-je me servir de l’eau qui est dans le baquet pour laver Paul et me laver aussi, Madame ?

L’HÔTESSE.

Certainement, mon petit garçon ; mais prends garde de te mouiller les jambes. »

Jacques et Paul disparurent dans le jardin ; on les entendait rire et jacasser. Moutier mangeait lentement et réfléchissait. L’hôtesse avait pris une chaise et s’était placée en face de lui, attendant qu’il eût fini pour enlever le couvert. Quand Moutier eut avalé sa dernière