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même, qui ne suis pas méchante, je l’aurais battu avec un vrai plaisir.

DÉRIGNY.

Et moi, mon cher Moutier, je dis comme votre bonne Elfy : ce garçon est un scélérat, et je lui aurais donné une fameuse rossée.

MADAME BLIDOT.

Et enfin, Joseph, il faut dire que le général est russe, et qu’en Russie les coups de fouet se donnent plus facilement que chez nous.

MOUTIER.

Peut-être avez-vous raison, mes amis, ma petite Elfy est un excellent avocat. Mais le général tient-il réellement à mon approbation ou à mon mécontentement ?

ELFY.

Énormément, mon ami ; le pauvre homme m’a fait peine ; il était si honteux, si humble, si attristé ! Il s’est sauvé quand il vous a entendu venir ; il courait ! Je ne pensais pas qu’il fût aussi leste. »

Moutier sourit, serra affectueusement la main d’Elfy et alla frapper à la porte du général.

LE GÉNÉRAL.

Qui est là ? Entrez. »

Moutier entra, s’arrêta un instant. Le général le regarda presque timidement ; son regard demandait grâce. Moutier, touché de cet aveu tacite de sa faute, répondit à ce regard par un bon et franc sourire ; il marcha à lui et serra une de ses mains dans les siennes en s’inclinant respectueusement. Le général lui sauta au cou, le serra dans ses bras, faillit le renverser, l’étouffer, et ne lui dit qu’un mot : « Merci, mon ami ; » mais d’un accent si affectueux, si ému, que Moutier sentit disparaître le dernier vestige de mécontentement,