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rieux, en méchant animal. Au lieu de fouetter Torchonnet comme il le méritait, par exemple, je l’ai battu. knouté à le mettre en pièces.

DÉRIGNY.

Vous avez bien fait, mon général ! J’en aurais fait autant à votre place.

LE GÉNÉRAL, avec satisfaction.

Vous trouvez, mon ami ? Je crois que vous êtes dans l’erreur. Le curé a dit que j’étais méchant, cruel, que je n’avais qu’à demander pardon à Dieu. Et ce curé, voyez-vous, mon cher, ce curé s’y connaît ; il est bon, et puis, j’ai confiance en lui. J’ai frappé trop fort, c’est vrai ! J’étais dans une colère ! J’aurais tué ce misérable, qui, après m’avoir volé, après avoir voulu faire soupçonner et accuser le pauvre Jacques, a l’impudence d’arriver à moi mielleusement et de m’appeler son cher général… Je l’aurais tué, tant j’étais outré, indigné, si Moutier n’était venu se jeter sur moi et m’arracher mon fouet.

ELFY.

Et que vous a dit Moutier, mon général ?

LE GÉNÉRAL.

Rien, mon enfant ! Rien ! pas un mot, pas un regard ; il m’a plus fait de peine par ce silence, ce dédain, que s’il m’avait battu. Ce bon Moutier ! L’indignation était peinte sur sa figure ! Et les yeux du curé ! quel regard froid, écrasant !… Oui, oui, ma petite Elfy, ils sont très fâchés contre moi. Et moi, je suis tout malheureux et confus, ce qui prouve que j’ai tort et qu’ils ont raison. Elfy, Dérigny, faites ma paix avec Moutier. J’aime ce garçon, et je ne puis supporter la pensée qu’il m’en veuille sérieusement. Je me recommande à vous,