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LE CURÉ.

Pas méchant, Monsieur ? un peu trop vif ? quand vous assommez cruellement un enfant trop faible pour vous résister ? Je vous le répète, Monsieur, demandez pardon à Dieu ; je n’ai pas d’autre conseil à vous donner. »

Et le curé sortit, laissant le général plus abattu que fâché.

« Sot que je suis ! murmura-t-il. Les voilà tous contre moi. Je l’ai frappé fort, c’est vrai ! Mais aussi, quel scélérat que ce petit gredin !… Ce qui me met hors de moi, c’est son idée fixe, sotte, absurde, de se faire adopter par moi. Et de penser que moi-même j’ai eu pendant cinq minutes cette pensée ! que j’ai pu concevoir un désir pareil ! Voyons, que faire à présent ? M’en aller. À l’Ange-Gardien, ils vont tous être comme des hérissons ; ils me jetteront des regards ! ils me traiteront avec une froideur ! Imbécile que je suis ! je n’ai que ce que je mérite. »

Tout en parlant ainsi, le général arrivait à l’Ange-Gardien. Il ouvrit lentement la porte, hésita à entrer, s’y décida enfin, et se trouva nez à nez avec Elfy.

— Eh bien ! général, demanda-t-elle en riant, avez-vous réglé votre affaire avec Torchonnet comme vous le vouliez ? à votre satisfaction ?

LE GÉNÉRAL.

Comme je le voulais, oui ; à ma satisfaction, non, car je suis très mécontent.

ELFY.

Et de quoi donc, général ? Qu’est-ce qui vous a mécontenté ?

LE GÉNÉRAL.

C’est moi-même, parbleu ; j’ai agi en sot, en fou fu-