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parler. Je ne vois qu’un moyen d’éviter ces deux dangers, c’est d’éloigner Torchonnet.

MOUTIER.

Où l’envoyer, monsieur le curé ? Chez qui ? avec qui ?

LE CURÉ.

Ma bonne va le mener chez son frère, gendarme à Domfront ; il sera là en bonne surveillance, et nous lui ferons croire qu’il est en état d’arrestation ; voulez-vous appeler ma bonne ? »

Moutier allait répondre, lorsque des cris, suivis d’affreux hurlements, se firent entendre. Il se précipita du côté d’où ils partaient ; le curé le suivit avec plus de lenteur. Arrivés à la porte de la salle d’où partaient ces cris horribles, ils la trouvèrent fermée à double tour.

« On égorge ma pauvre bonne, s’écria le curé avec terreur.

— Il faut entrer à tout prix, » cria Moutier.

Il appuya contre la porte, mais elle s’ouvrait en dehors ; elle était en chêne épais ; la serrure était solide ; toute la force de Moutier était insuffisante pour la briser. Les hurlements continuaient ; la voix s’enrouait et faiblissait.

« Par la fenêtre ! s’écria Moutier.

Et, s’élançant au dehors, il brisa un carreau, tourna l’espagnolette, sauta dans la chambre, et vit un homme, qu’il ne reconnut pas au premier abord, assommant à coups de fouet un petit garçon à demi déshabillé, qui se tordait et rugissait sous l’étreinte et les coups de l’homme ; chaque coup marquait sur la chair une trace livide.

Moutier se jeta sur l’inconnu, lui arracha le fouet des mains, le repoussa violemment et allait le frapper, quand lui-même faillit tomber de surprise : l’homme