Page:Ségur - L’auberge de l’ange gardien.djvu/247

Cette page a été validée par deux contributeurs.


XXI

TORCHONNET DÉVOILÉ.


Le lendemain, quand on se fut retrouvés, embrassés interrogés, et quand on eut déjeuné, madame Blidot demanda au général s’il avait regardé ses effets et s’il avait tout retrouvé.

LE GÉNÉRAL.

Je n’ai regardé à rien qu’à mon lit, ma petite femme. J’étais fatigué de la route et de la trouvaille de ce diable de Dérigny. Rien ne me fatigue comme de contenir mes sensations ; et je m’étais retenu pour ne pas pleurer comme un nigaud ; et puis, toutes les fois que je regardais cet homme si heureux et ses enfants, je me disais : Et toi, pauvre Dourakine, tu es seul avec ton or, ton argent et tes châteaux ! Personne pour t’aimer, pour hériter de tout cela. (Le général se frappe la tête des deux poings, il se lève, il souffle, il se promène en long et en large ; il se calme, il rit et continue.) Mais j’ai bien dormi cette nuit ; me voici leste et gai. Eh bien ! ma petite femme, vous riez ? Pourquoi ? Elfy rit aussi ? et Moutier ? Dérigny ne rit pas, lui ; il regarde toujours ses enfants avec une bouche jusqu’aux oreilles !

— Mon général ? dit Dérigny qui entend prononcer son nom, mais qui ne comprend pas le reste.