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rigny se plaça entre ses deux enfants ; le général poussa un soupir de satisfaction, et il commença sa soupe. Il y avait longtemps qu’il n’avait mangé de la cuisine bourgeoise mais excellente de madame Blidot et d’Elfy ; aussi mangea-t-il à tuer un homme ordinaire ; l’éloge de tous les plats était toujours suivi d’une seconde copieuse portion. Il était d’une gaieté folle qui ne tarda pas à se communiquer à toute la table ; Moutier ne cessait de s’étonner de voir rire Dérigny, lui qui ne l’avait jamais vu sourire depuis qu’il l’avait connu.

MOUTIER.

Tu vois, mon Jacquot, les prodiges que tu opères ainsi que Paul. Voici ton papa que je n’ai jamais vu sourire, et qui rit maintenant tout comme Elfy et moi.

DÉRIGNY.

J’aurais fort à faire, mon ami, s’il me fallait arriver à la gaieté de mademoiselle Elfy, d’après ce que vous m’en avez dit, du moins. Mais j’avoue que je me sens si heureux, que je ferais toutes les folies qu’on me demanderait.

LE GÉNÉRAL.

Bon ça ! Je vous en demande une qui vous fera grand plaisir.

DÉRIGNY.

Pourvu qu’elle ne me sépare pas de mes enfants, mon général, je vous la promets.

LE GÉNÉRAL.

Encore mieux ! Je vous demande, mon ami, de ne pas me quitter… Ne sautez pas ! que diantre ! Vous ne savez pas ce que je veux dire… Je vous demande de ne jamais quitter vos enfants et de ne pas me quitter. Ce qui veut dire que je vous garderai tous les trois avec