nous en pleurions quelquefois, ma femme et moi. Mais voilà-t-il pas, au milieu de notre bonheur, qu’il court des bruits de guerre ; j’apprends qu’on appelle la réserve ; ma pauvre Madeleine se désole, pleure jour et nuit ; moi parti, je la voyais déjà dans la misère avec nos deux chérubins ; sa santé s’altère ; je reçois ma feuille de route pour rejoindre le régiment dans un mois. Le chagrin de Madeleine me rend fou ; je perds la tête, nous vendons notre mobilier, et nous partons pour échapper au service ; je n’avais plus que six mois à faire pour finir mon temps et être exempt. Nous allons toujours tantôt à pied, tantôt en carriole ; nous arrivons dans un joli endroit, à vingt lieues d’ici ;
Elle meurt, me laissant ces deux pauvres petits.
je loue
une maison isolée où nous vivions cachés dans une
demi-misère, car nous ménagions nos fonds, n’osant
pas demander de l’ouvrage de peur d’être pris : ma
femme devient de plus en plus malade ; elle meurt (la
voix de Dérigny tremblait en prononçant ces mots) ; elle meurt, me laissant ces deux pauvres petits à soi-