Page:Ségur - L’auberge de l’ange gardien.djvu/233

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le cri poussé par Dérigny avait attiré aux portes presque tous les voisins de l’Ange-Gardien, et un rassemblement considérable ne tarda pas à se former. Les premiers venus répondaient aux interrogations des derniers accourus.

« Qu’est-ce ? demandait une bonne femme.

— C’est un homme qui vient de tomber mort de besoin.

— Pourquoi les petits pleurent-ils ?

— Parce qu’ils ont bon cœur, ces enfants ! Ce n’est-il pas terrible de voir un homme mourir de besoin à votre porte ?

— Voyez donc ce gros, comme il se démène ! Il va tous les écraser, s’il tombe dessus.

— C’est le monsieur que les Bournier ont assassiné.

— Comment donc qu’il a fait pour en revenir ?

— C’est parce que le grand zouave l’a mené aux eaux ; ça l’a tout remonté.

— Tiens ! quand ma femme sera morte, pas de danger que je la porte là-bas. »

Dérigny ne reprenait pas connaissance, malgré les moyens énergiques du général ; des claques dans les mains à lui briser les doigts, de la fumée de tabac à suffoquer un ours, de l’eau sur la tête à noyer un enfant, rien n’y faisait ; la secousse avait été trop forte, trop imprévue. Moutier commençait à s’inquiéter de ce long évanouissement ; il se relevait pour aller chercher le curé, lorsqu’il le vit fendre la foule et arriver précipitamment à Dérigny.

LE CURÉ.

Qu’y a-t-il ? Un homme mort, me dit-on ! Pourquoi ne m’a-t-on pas prévenu plus tôt ?