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LE GÉNÉRAL.

Voici deux mille francs, Monsieur. Laissez-nous tranquilles, maintenant. »

L’hôte salua très profondément et sortit. Le général, regarda Moutier d’un air triomphant et dit en riant :

« Le pauvre diable ! a-t-il eu peur de me voir partir ! Au fond, il avait raison, et j’en aurais fait autant à sa place. Nous avons l’air de trois chevaliers d’industrie, de francs voleurs. Trois hommes sans une malle, sans un paquet, qui prennent un appartement de mille francs !

MOUTIER.

Tout de même, mon général, il aurait pu être plus poli et ne pas nous faire entendre qu’il nous prenait pour des voleurs.

LE GÉNÉRAL.

Mon ami, c’est pour cela que je lui ai fait la peur qu’il a eue. À présent que nous voilà logés, allons acheter ce qu’il nous faut pour être convenablement montés en linge et en vêtements. »

Le général partit, suivi de son escorte ; il ne trouva pas à Bagnols les vêtements élégants et le linge fin qu’il rêvait, mais il y trouva de quoi se donner l’apparence d’un homme bien monté. Il voulut faire aussi le trousseau de Moutier et de Dérigny, et il leur aurait acheté une foule d’objets inutiles, si tous deux ne s’y fussent vivement opposés.

Le séjour aux eaux se passa très bien pour le général, qui s’amusait de tout, qui faisait et disait des originalités partout, qui demandait en mariage toutes les jeunes filles au-dessus de quinze ans, qui invitait toutes les personnes gaies et agréables à venir le voir en Russie, à Gromiline, près Smolensk, qui mangeait et