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vance, Monsieur, un mois tout entier, Monsieur ; et maintenant vous n’aurez rien, car je m’en vais me loger ailleurs, Monsieur. Venez, Moutier ; venez, Dérigny. »

Le général enfonça son chapeau sur sa tête en face de l’hôte ébahi et désolé. Il fit un pas, l’hôte l’arrêta :

« Veuillez m’excuser, monsieur le comte. Je suis désolé ; pouvais-je deviner ? Mon garçon me dit que vous n’avez pas même une chemise de rechange. L’année dernière, Monsieur, j’ai été volé ainsi par un prétendu comte autrichien, qui était un échappé du bagne et qui m’a fait perdre plus de deux mille francs. Veuillez me pardonner, monsieur le comte, nous autres, pauvres aubergistes, nous sommes si souvent trompés ! Si monsieur le comte savait combien je suis désolé !…

LE GÉNÉRAL.

Désolé de ne pas empocher mes pièces d’or, mon brave homme, hein !

L’HÔTE.

Je suis désolé que monsieur le comte puisse croire…

— Allons, allons, en voilà assez, dit le général en riant. Combien faites-vous votre appartement par mois et la nourriture première qualité, pour moi et pour mes amis, qui doivent être traités comme des princes ? »

L’hôte réfléchit en reprenant un air épanoui et en saluant plus de vingt fois le général et ses amis comme il les avait désignés.

L’HÔTE.

Monsieur le comte, l’appartement, mille francs ; la nourriture, comme monsieur le comte la demande, mille francs également, y compris l’éclairage et le service.