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L’HÔTE.

Monsieur, quand on n’a pas de bagage, on paye d’avance. »

Le général cligna de l’œil, en regardant Moutier, et fit semblant d’être embarrassé ; il se gratta la tête.

« Monsieur, dit-il, jamais on ne m’a fait des conditions pareilles ; je n’ai jamais payé d’avance.

— C’est que, Monsieur, riposta l’hôte d’un air demi-impertinent, les gens qui n’ont pas de bagage ont assez souvent l’habitude de ne pas payer du tout, quand on ne les fait pas payer d’avance.

LE GÉNÉRAL.

Monsieur, ces gens-là sont des voleurs.

L’HÔTE.

Je ne dis pas non, Monsieur.

LE GÉNÉRAL.

Ce qui veut dire que vous me prenez pour un voleur.

L’HÔTE.

Je ne l’ai pas dit, Monsieur.

LE GÉNÉRAL.

Mais il est clair que vous le pensez, Monsieur. »

L’hôte se tut. Le général se plaça à six pouces de lui, le regardant bien en face.

« Monsieur, vous êtes un insolent, et moi je suis un honnête homme, un brave homme, un bon homme et je suis le comte Dourakine, Monsieur, général prisonnier sur parole, Monsieur ; et j’ai six cent mille roubles de revenu, Monsieur ; et voici mon portefeuille bourré de billets de mille francs (il montre son portefeuille), et voici ma sacoche (il tire la sacoche de la poche de Moutier) et je vous aurais payé votre appartement le double de ce qu’il vaut, Monsieur ; et je l’aurais payé d’a-