Page:Ségur - L’auberge de l’ange gardien.djvu/224

Cette page a été validée par deux contributeurs.

confondre avec mon petit ami Jacques ; vous serez Dérigny pour moi et pour Moutier.

Ils arrivèrent au grand hôtel de l’établissement. Le général arrêta pour un mois le plus bel appartement au rez-de-chaussée et s’y établit avec sa suite. Le garçon lui demanda s’il fallait aller chercher son bagage. Le général le regarda avec ses grands yeux malins, sourit et répondit :

« J’ai tout mon bagage sur moi, mon garçon. Ça vous étonne ? C’est pourtant comme ça.

— Et… ces messieurs ?…

— Ces messieurs font partie de ma suite, mon garçon ils ne sont pas mieux montés que moi. »

Le garçon regarda le général d’un air sournois et sortit sans mot dire. Le général, se doutant bien de ce qui allait se passer, se frottait les mains et riait. Peu d’instants après, le maître d’hôtel entra d’un air fort grave, salua légèrement et dit au général :

L’HÔTE.

Monsieur, on a commis une erreur en vous indiquant ce bel appartement ; il est promis, et vous ne pouvez y rester.

LE GÉNÉRAL, d’un air décidé.

Vraiment ? Et pourtant j’y resterai ; oui, Monsieur, j’y resterai.

L’HÔTE.

Mais, Monsieur, puisqu’il est retenu.

LE GÉNÉRAL.

J’attendrai, Monsieur, que la personne en question soit arrivée, et je m’arrangerai avec elle ; en attendant, j’y reste, puisque j’y suis.