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mon service ; je vous donne cent francs par mois, défrayé de tout… Quoi, qu’est-ce ? Vous n’êtes pas content ? Alors je double : deux cents francs par mois.

LE SOLDAT.

C’est trop, mon général, beaucoup trop ; nourrissez-moi et payez ma dépense ; ce sera beaucoup pour moi.

LE GÉNÉRAL.

Qu’est-ce à dire, Monsieur ? Me prenez-vous pour un ladre ? Me suis-je comporté en grigou à votre égard ? De quel droit pensez-vous que je me fasse servir pour rien par un brave soldat, qui porte la médaille de Crimée, qui a certainement mérité cent fois ce que je lui offre, et dont j’ai un besoin urgent, puisque je me trouve sans valet de chambre, que je suis vieux, usé, blessé, maussade, ennuyeux, insupportable ? Demandez à Moutier, qui se détourne pour rire ; il vous dira que tout ça c’est la pure vérité. Répondez, Moutier, rassurez ce brave garçon.

MOUTIER, se retournant vers le soldat.

Ne croyez pas un mot de ce que vous dit le général, mon cher, et entrez bravement à son service ! vous ne rencontrerez jamais un meilleur maître.

LE GÉNÉRAL.

Je devrais vous gronder de votre impertinence, mon ami, mais vous faites de moi ce que vous voulez. Allons chercher un logement pour nous trois. Comment vous appelez-vous (s’adressant au soldat) ?

LE SOLDAT.

Jacques Dérigny, mon général.

LE GÉNÉRAL.

Je ne peux pas vous appeler Jacques, pour ne pas