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MOUTIER.

Mais non, mon général ; pour courir au pas de charge jusqu’à Domfront, vous chercher une voiture que j’ai trouvée, que j’ai amenée au grand trot du cheval, et qui est ici à la porte, prête à vous emmener, puisqu’il faut que nous partions. Et à présent, mon général, que je me suis expliqué, je dois dire deux mots à Elfy, qui rit dans son petit coin. »

Et, allant à Elfy, il lui parla bas et lui raconta quelque chose de plaisant sans doute, car Elfy riait et Moutier souriait. Il faut dire que l’entrée du général en manches de chemise, descendant péniblement de dessus un âne à la porte de l’Ange-Gardien, avait excité la gaieté d’Elfy et de sa sœur, et qu’elle était encore sous cette impression. Le général ne bougeait pas ; il restait au milieu de la salle, les bras croisés, les jambes écartées ; ses veines se dégonflaient, la rougeur violacée de son visage faisait place au rouge sans mélange ; ses sourcils se détendaient, son front se déridait.

LE GÉNÉRAL.

Mon brave Moutier, mon ami, pardonne-moi ; je n’ai pas le sens commun. Partons vite dans votre carriole ! bonne idée, ma foi ! excellente idée ! »

Et le général dit adieu aux deux sœurs, serra les mains de Moutier, qui pardonnait de bon cœur et venait en aide au général pour passer sa redingote et le hisser dans la carriole, où il prit place près de lui.

Quand ils furent à quelque distance du village, Moutier demanda au général pourquoi il ne l’avait pas attendu, et comment il avait pu refaire la route jusqu’à Loumigny.

« Mon cher, quand je me suis réveillé, j’étais seul ;