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prendre au grand trot la route de Loumigny ; il ne tarda pas à arriver au tertre et à l’arbre où il avait laissé le général ; personne ! Le général avait disparu, laissant sa redingote que Moutier avait déposée par terre près de lui.

Le pauvre Moutier eut un instant de terreur. Le cocher, voyant l’altération de cette belle figure si franche, si ouverte, si gaie, devenue sombre, inquiète, presque terrifiée, lui demanda ce qui causait son inquiétude.

MOUTIER.

J’avais laissé là ce bon général, éreinté et endormi. Je ne retrouve que sa redingote. Qu’est-il devenu ?

LE COCHER.

Il s’en est peut-être retourné, ne vous voyant pas venir.

MOUTIER.

Tiens, c’est une idée ! Merci, mon ami ; continuons alors jusqu’à Loumigny. »

Le cocher fouetta son cheval, qui repartit au grand trot ; ils ne tardèrent pas à arriver à l’Ange-Gardien. Moutier sauta à bas de la carriole, entra précipitamment et se trouva en face du général en manches de chemise, son gros ventre se déployant dans toute son ampleur, la face rouge comme s’il allait éclater, la bouche béante, les yeux égarés par la surprise.

Le général fut le premier à le reconnaître.

« Que veut dire cette farce, Monsieur ? Suis-je un Polichinelle, un Jocrisse, un pierrot, pour que vous vous permettiez un tour pareil ? Me planter là au pied d’un arbre ! me perdre comme le Petit-Poucet ! Profiter d’un sommeil que vous avez perfidement provo-