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ne me ferez pas taire, et je crierai sur les toits : C’est Moutier, le brave sergent des zouaves, qui m’a sauvé au risque de périr avec moi et pour moi ; et je ne l’oublierai jamais, et je l’aime, et je ferai tout ce qu’il voudra, et il fera de moi ce qu’il voudra. »

Le général, ému de sa colère passée et de son attendrissement présent, tendit la main à Moutier et voulut se relever, mais il retomba. Moutier s’assit près de lui.

« Reposons-nous encore, mon général ; je ne fais qu’arriver ; moi aussi j’ai une blessure qui me gêne pour marcher, et je serais bien aise de…

— Vrai ? dit le général avec une satisfaction évidente ; vous avez vraiment besoin de vous reposer ?

MOUTIER.

Très vrai, mon général. Ce que vous avez pris pour de la malice était de la bravade, de l’entrain de zouave. Ah ! qu’il fait bon se reposer au frais » continua-t-il, en s’étendant sur l’herbe comme s’il se sentait réellement fatigué.

Le général, enchanté, se laissa aller et s’appuya franchement contre l’arbre ; il ferma les yeux et ne tarda pas à s’endormir. Quand Moutier l’entendit légèrement ronfler, il se releva lestement et partit au trot, laissant près du général un papier sur lequel il avait écrit : « Attendez-moi, mon général, je serai bientôt de retour. »


Il se leva lestement et partit au trot.

Le général dormait, Moutier courait ; il paraît que sa blessure ne le gênait guère, car il courut sans s’arrêter jusqu’à Domfront ; il demanda au premier individu qu’il rencontra où il pourrait trouver une voiture à louer ; on lui indiqua un aubergiste qui louait de tout ; il y alla, fit marché pour une carriole, un cheval et un conducteur, fit atteler de suite, monta dedans et fit