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TORCHONNET.

Oh ! vous le savez bien aussi ; seulement vous faites semblant de ne pas savoir.

LE CURÉ.

Je t’assure que je ne comprends pas où tu veux en venir.

TORCHONNET.

J’en veux venir à vous dire que vous n’êtes pas mon maître, que le général voulait me donner tout son argent et me faire son fils, que c’est vous qui l’en avez empêché, et que je veux, moi, être riche et devenir un beau monsieur. »

Le bon curé, stupéfait de la hardiesse et des reproches de ce garçon qui, trois jours auparavant, tremblait devant tout le monde, resta muet, le regardant avec surprise.

TORCHONNET.

Vous faites semblant de ne pas comprendre ! Vous croyez que je n’ai pas entendu ce que vous a dit le général et comment vous avez refusé de me donner, comme si j’étais à vous. Le général m’aime, et il me prendra à son retour, et vous verrez alors ce que je ferai.

— Pauvre, pauvre enfant, dit le curé les larmes dans les yeux et la voix tremblante d’émotion. Pauvre petit ! Tu fais le mal sans le savoir ; personne ne t’a appris ce qui est mal et ce qui est bien !… Tu crois, mon enfant, que le général t’aurait emmené ? que c’est moi qui l’en ai empêché ? Je sais que je n’ai pas le droit de te retenir malgré toi ; que tu peux t’en aller tout de suite si tu le veux. Mais où iras-tu ? Que feras-tu ? Qui te nourrira et te logera ? Ce que je fais pour toi, je le fais par charité, pour l’amour de Dieu, pour te venir en