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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

premiers mouvements. Le voilà qui revient déjà. La conférence n’a pas été longue. »

Le général rentra aussi précipitamment qu’il était sorti.

« A-t-on idée d’un ours pareil ! dit-il en rentrant. Il ne veut pas… Et savez-vous pourquoi ? Parce que je suis schismatique ! Oui, mes amis ; c’est pour cela. Je suis schis… ma… tique ; il ne me trouve pas assez bon pour élever un Torchonnet. C’est incroyable ! Il est fou ce curé ! Et puis, quel droit a-t-il sur cet enfant ? il l’a volé à ces gueux de Bournier. De quel droit refuse-t-il la fortune de cet enfant ? Ah ! il croit pouvoir faire le maître ? Mais je plaiderai, moi ! J’irai me plaindre à mon ami le juge d’instruction ! Je ferai fourrer ce curé en prison ; et son Torchonnet avec lui, si celui-là aussi refuse de venir chez moi. Moutier, nous irons demain porter notre plainte au juge d’instruction.

MOUTIER.

Mais, mon général…

LE GÉNÉRAL.

Il n’y a pas de mais… Je veux mon Torchonnet.

MOUTIER.

Mon général, permettez-moi de vous faire observer que Torchonnet est un garçon mal élevé, qui vous ferait peut-être honte dans votre pays. Peut-être même est-il vicieux, ayant vécu avec des brigands.

LE GÉNÉRAL.

C’est vrai ça. Au fait, il doit jurer, voler, comme les coquins qu’il a servis. Ce serait joli ! Un comte Dourakine jurant comme un charretier ; volant dans les poches des voisins ! Et moi qui n’avais pas songé à cela ! Merci, mon brave Moutier : vous m’avez empêché de faire une fière sottise.