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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

Elfy s’échappa leste comme un oiseau. Le général la suivit des yeux et entra dans la salle pour la voir plumer son poulet dans la cuisine. Un léger bruit lui fit tourner la tête, et il vit le juge d’instruction achevant de rédiger ce qu’il venait d’entendre. Le général prit un air digne.

LE GÉNÉRAL.

Venez-vous m’insulter jusque chez moi, Monsieur ?

LE JUGE.

Je viens, au contraire, général, vous faire mes excuses sur l’algarade malheureuse que je me suis permise à votre égard, ignorant votre nom et pensant que vous étiez un curieux, entré pour voir et entendre ce qui doit rester secret jusqu’au jour de la mise en jugement. Je vous réitère mes excuses et j’espère que vous voudrez bien oublier ce qui s’est passé entre nous.

LE GÉNÉRAL.

Très-bien, Monsieur. Je ne vous garde pas rancune, car je suis bon diable, malgré mes airs d’ours ; mais il m’est impossible de revenir sur ma parole, de retourner dans cette auberge pour l’interrogatoire, ni de vous répondre un seul mot sur l’affaire.

LE JUGE.

Quant à cela, Monsieur, je n’ai plus besoin de vous interroger ; votre déposition a été complète, et je n’ai plus rien à apprendre de vous. »

Le général écoutait ébahi ; son air étonné fit sourire le juge d’instruction.

« Je vois, je comprends, s’écria le général. La friponne ! Ce que c’est que les jeunes filles ! C’est pour me faire parler qu’elle est venue me cajoler ! Mais comment a-t-elle su ? Ah ! la petite traîtresse ! Et moi qui m’attendrissais de son désir de tout savoir, de n’omet-