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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

juge ; celui qui a cassé la cuisse de ce gredin-là, qui a enfoncé le crâne à celui-ci et causé un étourdissement à cette gueuse de femme.

LE JUGE, souriant.

Tâchez de ménager vos épithètes, Monsieur ; et qui est le gros homme qui vient de sortir ?

MOUTIER.

Le général Dourakine, mon prisonnier, que ces… je ne sais comment les appeler, car enfin ce sont de fieffés coquins ! que ces coquins, car coquins est le mot, que ces coquins auraient égorgé si je n’avais eu la chance de me trouver là.

LE JUGE.

Comment ! ce monsieur est… Courez après lui, monsieur Moutier ; faites-lui bien mes excuses. Ramenez-le : il faut absolument qu’il fasse sa déposition. »

Moutier partit et ne tarda pas à rattraper le général qui rentrait chez lui, le teint allumé, les veines gonflées, le souffle bruyant, avec tous les symptômes d’une colère violente et concentrée.

Lorsqu’il eut entendu la commission du juge, il s’arrêta, tourna vers Moutier ses yeux flamboyants et dit d’une voix sourde :

« Jamais. Dites à ce malappris qu’il se souvienne de mes paroles.

MOUTIER.

Mais, mon général, on ne peut pas se passer de votre déposition.

LE GÉNÉRAL.

Qu’on fasse comme si j’étais mort.

MOUTIER.

Mais vous ne l’êtes pas, mon général, et alors…