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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

MADAME BLIDOT, riant.

Certainement non, général ; jamais. Mais pourquoi cet étalage d’or et de bijoux ? Et toutes ces montres ? Que faites-vous de tout cela ?

LE GÉNÉRAL.

Ce que j’en fais ? Vous allez voir. Elfy, voici la vôtre ! Moutier, prenez celle-ci ; Jacques et Paul, mes enfants, voilà celles que vous donne votre bon ami. Ma chère madame Blidot, vous prendrez celle qui vous est destinée, et qui ne peut aller à personne, ajouta-t-il, voyant qu’elle faisait le geste de refuser, parce que le chiffre de chacun est gravé sur toutes les montres.

ELFY.

Oh ! général ! que vous êtes bon et aimable ! Vous faites les choses avec tant de grâce qu’il est impossible de vous refuser.

MOUTIER.

Merci, mon général ! je dis, comme Elfy, que vous êtes bon, réellement bon. Mais comment avez-vous eu l’idée de toutes ces emplettes ?

LE GÉNÉRAL.

Mon ami, vous savez que je ne suis pas né d’hier, comme je vous l’ai dit. Quand vous êtes parti pour venir ici, j’ai pensé : « L’affaire s’arrangera ; le manque d’argent le retient ; je ferai la dot, je bâclerai l’affaire et les présents de noces seront tout prêts. » Je les avais déjà achetés par précaution. Je suis parti le même jour que vous, pour avoir de l’avance et faire connaissance avec la future, avec la sœur et avec les enfants. J’ai été coffré par ce scélérat d’aubergiste ; j’avais apporté la dot en billets de banque, plus trois mille francs pour les frais de noces : ce coquin a vu tout ça et ma sacoche