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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

le beau-frère de Moutier… en vous épousant… Ha ! ha ! ha !

MADAME BLIDOT.

M’épouser, moi ! Ha ! ha ! ha ! Voilà qui serait drôle, en effet ! Ha ! ha ! ha ! La bonne bêtise ! Ha ! ha ! ha ! »


Le vieux général.

Elfy n’avait pas attendu la fin du discours du général pour partir aussi d’un éclat de rire. Les enfants, voyant rire tout le monde, se mirent de la partie : ils sautaient de joie et riaient de tout leur cœur. Pendant quelques instants, on n’entendit que des : Ha ! ha ! ha ! sur tous les tons. Le général fut le premier à reprendre un peu de calme ; Moutier et Elfy riaient de plus belle dès qu’ils portaient les yeux sur le général. Ce dernier commençait à trouver mauvais qu’on s’amusât autant de la pensée de son mariage.

« Au fond, dit-il, je ne sais pas pourquoi nous rions. Il y a bien des Russes qui épousent des Françaises, bien des gens de soixante-quatre ans qui se marient, bien des comtes qui épousent des bourgeoises. Ainsi, je ne vois rien de si drôle à ce que j’ai dit. Suis-je donc si vieux, si ridicule, si laid, si sot, si méchant, que personne ne puisse m’épouser ? Voyons, Moutier, vous qui me connaissez, est-ce que je ne puis pas me marier tout comme vous ?

— Parfaitement, mon général, parfaitement, dit Moutier en se mordant les lèvres pour ne pas rire ; seulement, vous êtes tellement au-dessus de nous, que cela nous a semblé drôle d’avoir pour beau-frère un général, un comte, un homme aussi riche ! Voilà tout.

— C’est vrai, reprit le général ; aussi n’était-ce qu’une plaisanterie. D’ailleurs, madame Blidot n’aurait jamais donné son consentement.