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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.
JACQUES.

Oui, mon bon général, mais quand vous nous donnez quelque chose, et de si belles choses, nous serions bien ingrats de ne pas vous remercier.

LE GÉNÉRAL.

Petit insolent ! Puisque je te dis… »

Il ne put continuer parce que Jacques et Paul se saisirent chacun d’une de ses mains qu’ils baisaient et qu’ils ne voulaient pas lâcher malgré les évolutions du général qui tirait à droite, à gauche, en avant, en arrière : il commençait à se fâcher, à jurer, à menacer d’appeler au secours et de les faire mettre à la salle de police. Il parvint enfin à se dégager et rentra tout rouge et tout suant dans la salle où se trouvaient Moutier, Elfy et sa sœur.

« Moutier, dit-il d’une voix formidable, entrez chez moi ; j’ai à vous parler. »

Moutier le regarda avec surprise ; sa voix indiquait la colère ; et, au lieu de rentrer chez lui, il se promenait en long et en large, les mains derrière le dos, soufflant et s’essuyant le front.

MOUTIER.

Que vous est-il arrivé, mon général ? Vous avez l’air…

LE GÉNÉRAL.

J’ai l’air d’un sot, d’un imbécile, qui a moins de force d’esprit et de corps qu’un gamin de neuf ans et un autre de six. Quand je parle, on ne me croit pas, et quand je veux m’en aller, on me retient de force. Trouvez-vous ça bien agréable ?

MOUTIER.

Mais, mon général, je ne comprends pas… Que vous est-il donc arrivé ?