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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

L’HOMME.

Je le mettrai sur le dos de Capitaine ; tu vas voir. »

Le voyageur souleva doucement le petit Paul toujours endormi, le plaça à cheval sur le dos du chien en appuyant sa tête sur le cou de Capitaine. Ensuite, il ôta sa blouse, qui couvrait sa veste militaire, en enveloppa le petit comme d’une couverture, et, pour l’empêcher de tomber, noua les manches sous le ventre du chien.

« Tiens, voilà ta veste, dit-il à Jacques en la lui rendant ; remets-la sur tes pauvres épaules glacées, et partons. »

Jacques se leva, chancela et retomba à terre ; de grosses larmes roulèrent de ses yeux ; il se sentait faible et glacé, et il comprit que lui non plus ne pourrait pas marcher.

L’HOMME.

Qu’as-tu donc, mon pauvre petit ? Pourquoi pleures-tu ?

JACQUES.

C’est que je ne peux plus marcher ; je n’ai plus de forces.

L’HOMME.

Est-ce que tu te sens malade ?

JACQUES.

Non, mais j’ai trop faim ; je n’ai pas mangé hier ; je n’avais plus qu’un morceau de pain pour Paul. »

L’homme sentit aussi ses yeux se mouiller : il tira de son bissac un bon morceau de pain, du fromage et une gourde de cidre, et présenta à Jacques le pain et le fromage pendant qu’il débouchait la gourde.

Les yeux de Jacques brillèrent : il allait porter le pain à sa bouche quand un regard jeté sur son frère l’arrêta :