Page:Ségur - L’auberge de l’ange gardien.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

La porte du général se rouvrit, il passa la tête et cria :

« À quand la noce ?

— Comment, la noce ? dit Elfy ; est-ce qu’on a eu le temps d’y penser ?

LE GÉNÉRAL.

Mais moi qui pense à tout, je demande le jour pour commander mon dîner chez Chevet.

MOUTIER.

Halte-là ! mon général, vous prenez trop tôt le pas de charge. Vous oubliez nos eaux de Bagnoles et vos blessures.

LE GÉNÉRAL.

Je n’oublie rien, mon ami, mais il y a temps pour tout, et la noce en avant.

ELFY.

Du tout, général, Joseph a raison ; vous devez aller d’abord aux eaux, et lui doit vous y accompagner pour vous soigner.

MOUTIER.

C’est bien, chère Elfy, vous êtes aussi raisonnable que bonne et courageuse. Nous nous séparerons pour nous réunir ensuite.

ELFY.

Et pour ne plus nous quitter.

LE GÉNÉRAL.

Ah ça ! mais pour qui me prend-on ? On dispose de moi comme d’un imbécile ! « Vous ferez ci ; vous ferez ça. C’est bien, ma petite ; c’est très-bien, mon ami. » Est-ce que je n’ai pas l’âge de raison ? Est-ce qu’à soixante-trois ans on ne sait pas ce qu’on fait ? Et si je ne veux pas aller à ce Bagnoles qui m’excède ; si je ne veux pas bouger avant la noce ?