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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

née, la bénédiction qu’il avait demandée. Avant de se relever, il prit la main d’Elfy et dit d’un accent pénétré :

« Je jure devant Dieu et devant vous, monsieur le Curé, de faire tous mes efforts pour rendre heureuse et douce la vie de cette chère Elfy, et de ne jamais oublier que c’est à Dieu que nous devons notre bonheur. »

Moutier se releva, baisa tendrement la main d’Elfy ; madame Blidot pleurait, Elfy sanglotait, le général s’agitait.

LE GÉNÉRAL.

Que diantre ! je crois que je vais aussi tirer mon mouchoir. Allez-vous bientôt finir, vous autres ? Moi qui amène M. le curé pour lui faire voir comme vous êtes tous heureux, et voilà que Moutier nous fait une scène à faire pleurer sa fiancée et sa sœur ; moi, j’ai une peine du diable à garder l’œil sec. M. le curé a les yeux rouges, et Moutier lui-même ne doit pas avoir la voix bien assurée.

MOUTIER.

Mon général, les larmes que je retiens sont des larmes de bonheur, les premières que je verse de ma vie. C’est à vous que je dois cette douce émotion ! Vous êtes d’aujourd’hui mon bienfaiteur ! » ajouta-t-il en saisissant les deux mains du général et en les serrant avec force dans les siennes.

L’agitation du général augmentait. Enfin il sauta au cou de Moutier, serra dans ses bras le curé étonné, manqua le jeter par terre en le lâchant trop brusquement, et marcha à pas redoublés vers la porte de sa chambre, qu’il referma sur lui.

Le curé s’assit, madame Blidot se mit près de lui, Elfy s’assit près de sa sœur, et Moutier plaça sa chaise près d’Elfy.