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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

LE GÉNÉRAL.

Et le mien, s’il vous plaît. Quand nous étions blessés tous deux, moi son prisonnier, et lui mon ami, il me parlait sans cesse d’Elfy et de sa sœur, et me répétait ce que vous lui aviez raconté et ce qu’il avait vu par lui-même des qualités d’Elfy. Je lui ai tant dit : « Épousez-la donc, mon garçon, épousez-la, puisque vous la trouvez si parfaite, » qu’il a fini par accueillir l’idée ; seulement il voulait attendre pour se faire un magot. Entre nous c’est pour arranger son affaire que je suis venu au village et que je me suis mis dans le guêpier Bournier ; tas de gueux ! Il m’a sauvé, et il a bien fait ; je vous demande un peu comment il aurait pu se faire un magot sans Dourakine.

LE CURÉ.

Qu’est-ce que c’est que Dourakine ?

LE GÉNÉRAL.

C’est moi-même qui ai l’honneur de vous parler. Je m’appelle Dourakine, sot nom, puisqu’en russe dourake veut dire sot. »

Le curé rit de bon cœur avec Dourakine, qui le prenait en gré et qui lui proposa d’aller féliciter les sœurs de l’Ange-Gardien.

Le curé accepta. Pendant qu’ils causaient, Jacques et Torchonnet n’avaient pas perdu leur temps non plus ; Torchonnet raconta à Jacques qu’il était comme lui sans père ni mère, qu’il avait huit ans quand la femme qui était morte au village l’avait donné à ce méchant Bournier ; que cette femme lui avait dit avant de mourir qu’elle n’était pas sa mère, qu’elle l’avait volé tout petit pour se venger des gens qui l’avaient chassée sans lui donner la charité, et que, lorsqu’elle serait guérie, elle