Page:Ségur - L’auberge de l’ange gardien.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

périr de froid et de faim, car je ne vois rien près d’eux, ni paquets ni provisions. Comment a-t-on laissé de pauvres petits êtres si jeunes, seuls, sur une grande route ? Que faire ? Les laisser ici, c’est vouloir leur mort. Les emmener ? J’ai loin à aller et je suis à pied : ils ne pourraient me suivre. »

Pendant que l’homme réfléchissait, le chien s’impatientait ; il commençait à aboyer ; ce bruit réveilla le frère aîné ; il ouvrit les yeux, regarda le voyageur d’un air étonné et suppliant, puis le chien qu’il caressa en lui disant :

« Oh ! tais-toi, tais-toi, je t’en prie ; ne fais pas de bruit, n’éveille pas le pauvre Paul qui dort et qui ne souffre pas. Je l’ai bien couvert, tu vois ; il a bien chaud.

— Et toi, mon pauvre petit, dit l’homme, tu as bien froid !

L’ENFANT.

Moi, ça ne fait rien ; je suis grand, je suis fort ; mais lui, il est petit ; il pleure quand il a froid, quand il a faim.

L’HOMME.

Pourquoi êtes-vous seuls ici tous les deux ?

L’ENFANT.

Parce que maman est morte et papa a été pris par les gendarmes, et nous n’avons plus de maison et nous sommes tout seuls.

L’HOMME.

Pourquoi les gendarmes ont-ils emmené ton papa ?

L’ENFANT.

Je ne sais pas ; peut-être pour lui donner du pain ; il n’en avait plus.

L’HOMME.

Qui vous donne à manger ?