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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

le plus heureux des hommes, parce que je pourrais alors espérer ne jamais vous quitter, ma chère, excellente amie ; mais vous comprenez que je ne pourrais rester avec vous que si je vous étais attaché par les liens de la parenté… ou… du mariage… et… »

Elfy leva les yeux, sourit et dit :

« Et vous n’osez pas, parce que vous êtes pauvre et que je suis riche ? Est-ce votre seule raison ?

MOUTIER.

La seule, je vous l’affirme. Ah ! si j’avais de quoi vous faire un sort, je serais tellement heureux que je n’ose ni ne veux y penser. Sans amis, sans aucun attachement dans le monde, m’unir à une douce, pieuse, charmante femme comme vous, Elfy ; vivre auprès d’une bonne et aimable femme comme votre sœur ; avoir une position occupée comme celle que j’aurais ici, ce serait trop de bonheur !

ELFY.

Et pourquoi le rejeter quand il s’offre à vous ? Vous nous appelez vos amies ; vous êtes aussi notre ami : pourquoi penser à votre manque de fortune quand vous pouvez, en partageant la nôtre, nous donner ce même bonheur qui vous manque ? Et ma sœur qui vous aime tant, et le pauvre Jacques, nous serions tous si heureux ! Mon ami, croyez-moi, restez, ne nous quittez pas. »

Moutier, fort ému, hésitait à répondre, quand le général, qui s’était impatienté d’attendre et qui était entré depuis quelques instants dans la salle, s’approcha de Moutier et d’Elfy sans qu’ils l’aperçussent, et, enlevant Elfy dans ses bras, il la poussa dans ceux de Moutier en disant :

« C’est moi qui vous marie ! Que diable ! ne suis-je