Page:Ségur - L’auberge de l’ange gardien.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.
108
L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.
LE CURÉ.

Très-bien, monsieur Moutier, disposez de moi, je vous prie.

MOUTIER.

Monsieur le Curé, c’est qu’il s’agit de donner pour un temps le logement et la nourriture à ce pauvre petit que voilà. »

Moutier présenta Torchonnet tremblant.

LE CURÉ.

Son maître lui a donc rendu la liberté ? C’est la seule bonne œuvre qu’il ait faite à ma connaissance. Cet enfant a bien besoin d’être instruit. Il y a longtemps que j’aurais voulu l’avoir, mais il n’y avait pas moyen de l’approcher. »

Le curé voulut prendre la main de Torchonnet, qui la retira en poussant un cri.

« Eh bien ! qu’y a-t-il donc ? dit le curé surpris.

MOUTIER.

Il y a, monsieur le Curé, que ce nigaud se figure que vous allez le dévorer à belles dents. C’est son diable d’aubergiste qui lui a fait cette sotte histoire pour l’empêcher d’avoir recours à vous.

— Mon pauvre garçon, dit le curé en riant, sois bien tranquille, je me nourris mieux que cela ; tu serais un mauvais morceau à manger. Tous les enfants du village viennent chez moi, et je n’en ai mangé aucun, pas même les plus gras ; demande plutôt à Jacques.

JACQUES.

C’est ce que je lui ai déjà dit, monsieur le Curé, quand il nous a dit cette drôle de chose. Tiens, vois-tu, Torchonnet ? je n’ai pas peur de M. le curé. »

Et Jacques, prenant les mains du curé, les baisa à plu-