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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

entendu barricader au dehors. Pour le coup, la peur m’a pris ; j’étais là comme dans une souricière. Pas d’armes ! je n’en avais pas sur moi, et ils avaient enlevé le couvert et les couteaux. Je criais ; c’est comme si j’étais resté muet. Personne ne m’entendait. Que faire ? Attendre ? C’est ce que j’ai fait. Il faudra bien qu’ils m’apportent à manger, pensais-je ; en me mettant près de la porte, je m’élancerai dehors dès qu’elle sera entr’ouverte. J’attendis longtemps, et, quand on vint, ce ne fut pas la porte qui s’entr’ouvrit, mais le volet ; on me passa des tranches de pain.

« Il y a de l’eau dans la carafe, » dit la voix de l’aubergiste, et le volet se referma.

« Je restai ainsi deux jours fatigué à mourir, n’ayant qu’une chaise pour me reposer, du pain et de l’eau pour me nourrir, horriblement inquiet de ce qui allait m’arriver ; je bouillonnais quand je pensais que vous étiez peut-être ici, à cinq cents pas de moi et ne pouvant me porter secours. Enfin, le troisième jour, j’entendis un mouvement inaccoutumé du côté de la porte ; je repris mon poste, prêt à me jeter sur le premier qui paraîtrait. En effet, j’entends approcher, la clef tourne dans la serrure, la porte s’ouvre lentement ; l’obscurité de ma prison ne leur permettait pas de me voir. J’attends que l’ouverture de la porte soit assez large pour me laisser passer, et je me lance sur celui qui entre ; je reçois un coup de poing dans le nez. Le sang jaillit et me gêne la vue, ce qui ne m’empêche pas de chercher à me faire jour ; mais ils étaient plusieurs, à ce qu’il paraît, car je sentais les coups tomber comme grêle sur ma tête, sur mon dos et surtout sur mon visage. Le sang m’aveuglait ; je ne voyais plus où j’étais. J’appelle, je crie au secours ; les coquins jurent comme des templiers et